lundi 10 mars 2008

Bienvenue chez les Ch'tis (1)

Mars en 1906 est à la neige, le ciel plat, laiteux, abaissé.
Le coup de poussière fait au matin du 10 mille quatre-vingt-dix-neuf morts sur 1800 mineurs engouffrés.
On voit, dit-on, gicler un cheval.
Le carreau bien sûr est saccagé, la carne fuse dans la nue rabattue, la carne qui sans déroger reparaît morte.
Le gisement fournissait alors 7 % de la production nationale de charbon.
Les rosses, on sait ça, remontent crevées, descendues d’abord demi-crevant, moitié liquidées par l’effroi, semi-claquées de sombrer dans la suie.
La catastrophe provoqua une crise politique et un mouvement social qui déboucha sur l’instauration du repos hebdomadaire.
À telle enseigne qu’il faut, sinon leur coeur lâche, au-dessus du puits de brou, à l’entrée du bain fusain où on les enfourne pour qu’elles tirent en bas des wagons, couvrir d’un linge leur trouble tête.
En quelques secondes la fosse 2 (Auguste Lavaurs), la fosse 3 dite Lavaleresse, la fosse 4 - Sainte-Barbe.
D’où j’écris, pourtant, l’on voit les dents luire sous le tissu, les dents balayées par l’haleine folle, vastes dents que les lèvres troussées dégagent et qui sans espoir d’être jamais déterrées pellettent, frénétiques, le bistre.
L’ingénieur général Delafond fit murer une partie de la mine pour préserver le gisement.
Songerait-elle, la carne, qu’elle croirait qui sait que l’existence consiste entière en cette immersion ralentie, ce plongeon nègre et les vains efforts consécutifs.
émotion polémique gestion obsèques huées syndicats grève incidents clémenceau gendarmes soldats
Treize trains de renforts militaires.
S’imaginerait, la rosse, que la vie revient à mordre immodérément au plus épais du cirage.
(à suivre)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je me rappelle la première image de Germinal, un mineur crache, c'en était trop, Jacky n'a pas pu supporter, il est sorti, parti, j'ai enfilé mon manteau, il marchait dans les rues, peut-être nous sommes nous retrouvés à l'ombre - à l'ombre, la nuit ? - du donjon, le crachat, son papa dont les vingt dernières années de sa vie furent ce combat, les bouteilles d'oxygène posées dans un coin de la salle à manger comme ailleurs un porte-parapluie, la vie de tous les jours, la survie, la mort programmée adoucie par des pensions élevées, ce luxe de l'adieu, une cuisine en chêne, la télévision grand écran et la gourmette en or pour Jacky, la plus belle, la plus chère surtout.

"ben ça, c'est bien sûr!"