vendredi 4 avril 2008

Dans la bourriche à l'interclasse

C’est une cour, c’est des gniards, c’est hier :
L’institutrice : « Croyez-vous que ça vous soit possible d’être copains ?
— Oui, oui, ça peut possible, ça peut possible.
— Oui, pour moi aussi, mais faut lui dire qu’il arrête, parce que mon prénom, il s’appelle pas comme ça. »

Et c’est
Michon :
La récréation nocturne me jeta dehors : le grand vent soulevait dans la cour toute noire d’étranges papiers froissés, lunaires mais obscurs, des journaux ouverts qui soudain s’enlevaient et trouaient la nuit, tout blancs et spectraux comme des hiboux, à la merci d’un rien ; tournoyant, ils sombraient. Je m’abîmais dans ces disparitions infimes ; je pleurais et déguisais mes pleurs. D’autres godiches de première année, comme moi enracinés dans les longs préaux, regardaient avec des yeux ronds ce puits d’ombre où des choses débiles tombaient ; la lumière jaune du préau qui d’aplomb sur leurs têtes s’inclinait, les amenuisait, les isolait, ils n’osaient y faire que de petits gestes, touchaient dans une poche un canif, regardaient avec une lenteur imbécile leur montre neuve, esquissaient un pas vite renoncé, furtivement se baissaient et ramassaient un marron dont ils ne savaient plus que faire, en pétrissaient un peu l’énigmatique écorce, il disparaissait dans la poche des blouses, on n’y pensait plus. Certains, sous leur béret, s’abolissaient ; d’autres, en blouse trop longue, flottaient comme des petits vieux ; ils se savaient stupides, devinaient tous leurs gestes frappés d’ineptie ; ils avaient le cœur gros.
(Vies minuscules)

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