mercredi 9 avril 2008

Une vie en noir & blanc

On traduit ces temps-ci (à paraître en septembre prochain) l’histoire authentique de Sandra Laing, Sud-Africaine née noire de parents blancs au temps de l’apartheid — qui par trois fois la contraignit à changer de couleur.

Un premier extrait ci-dessous :
« Mais à cause de ses cheveux crépus et de sa peau brun clair, diversement qualifiée dans les journaux de teint de miel, de teint caramel, doré ou jaunâtre, le directeur du recensement reclassa officiellement la fillette : elle devint coloured. Elle n’était plus autorisée à pénétrer dans un restaurant, dans une salle de cinéma en compagnie de ses parents ou de ses frères ; il lui était maintenant interdit de s’asseoir avec eux dans l’autobus, de partager le même banc à l’église ou dans un parc public ; de fréquenter la même plage, le même dispensaire ; d’être inhumée dans le même cimetière. Selon la lettre de la loi, elle ne pouvait plus vivre auprès de sa famille blanche, sinon en qualité de domestique. »

Puis cinq minutes (sous-titrées en français) [un peu de patience, si nécessaire, au téléchargement, le jeu en vaut la chandelle] du documentaire que la Sud-Africaine Karien van der Merwe a consacré à Sandra Laing (on en découvrira l’intégralité — en anglais non sous-titré — par
ici) :




Un second extrait enfin, édifiant :
« La réintégration de Sandra au sein de la race blanche inspira un correspondant anonyme, qui expédia au ministère de l’Intérieur un article de journal assorti d’un cliché de l’enfant au-dessus duquel on avait écrit à la main : « Foeitog, dit is mos ‘n kaffertije - Quelle honte, c’est une petite
Cafre. » On recensa encore une pleine fournée de lettres indignées. Pour ces épistoliers, la fillette faisait figure de symbole. Un exemple suffira. Le message ci-dessous parvint à son destinataire le 9 août 1967 :
Les mots me manquent pour vous exprimer ma consternation, les doutes qui m’étreignent, ma déception, ma colère et mon chagrin. Je ne parviens pas à comprendre comment il est possible que votre ministère ait procédé à une classification pareillement scandaleuse. Je ne puis que plaindre ma race, ma nation (le Volk
afrikaner) et mon pays. Un tel acte constitue une trahison de tout ce qu’incarne l’homme blanc. Une trahison de l’histoire de nos ancêtres. Une trahison des Afrikaners blancs d’aujourd’hui. Une trahison de l’avenir de l’homme blanc en Afrique du Sud. Ni vous ni votre ministère n’avez le droit de traiter le sang d’un individu dépourvu de race sur un pied d’égalité avec le Sang de l’Homme Blanc. MAIS IL N’EST PAS TROP TARD. Procédez à un reclassement et déclarez que cette chose est une “Bâtarde”.
Je ne vous livre pas mon nom. Ce n’est pas nécessaire. Je ne suis qu’un Blanc soucieux de protéger la pureté de sa race.
»

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