vendredi 24 octobre 2008

La boutique arc-en-ciel


Bibi traduit, un jour Payot publie ce que Bibi traduit.

Quatrième de couverture :
« Sandra Laing vient au monde en 1955 dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Elle devrait être née du “bon côté” puisque ses parents sont des commerçants afrikaners, donc blancs : or il y a eu un Noir parmi ses ascendants et une combinaison de gènes l’a faite métisse. À l’âge de dix ans, elle est expulsée par la police de l’école pour Blancs et reclassée “Coloured”. Victime des aberrations du système, elle change encore officiellement deux fois de couleur, mais c’est parmi les Sud-Africains noirs, dans la précarité des townships, qu’elle choisit de vivre, reniée par son père.
La chance se présente à Sandra en 2003 lorsqu’elle fait la connaissance d’un jeune réalisateur anglais, Anthony Fabian : il lui achète les droits cinématographiques de son incroyable aventure et lui permet ainsi d’ouvrir une épicerie. Va-t-elle pouvoir s’épanouir dans la nouvelle Afrique du Sud, malgré les fantômes d’une histoire nationale et d’un passé personnel qu’elle a refoulés au point d’ignorer longtemps qui était Nelson Mandela et de se réfugier dans les soap-operas ?
En se liant d’amitié avec elle, la journaliste new-yorkaise Judith Stone a su démêler avec pudeur les fils d’un destin hors du commun, et par là même sonder l’âme d’un pays pluriel, des années 1950 à nos jours. »

Un extrait :
« Lorsqu’on se dirige depuis Johannesburg vers l’East Rand en empruntant la route N-17, on longe des lotissements très semblables à ceux qu’on découvre dans la banlieue de Los Angeles, bordés de palmiers, de pins et de gommiers bleus. De l’un à l’autre s’étirent des prairies, des townships se déploient, des usines se dressent, ainsi que des crassiers, des chevalements par où les mineurs descendent sous la terre pour en extraire des minéraux précieux.
Impossible de manquer l’embranchement pour Tsakane : en lieu et place des cheminées industrielles apparaît soudain ce qui, à distance, ressemble au palais d’un djinn. De vastes tentes d’un blanc éclatant formant des angles impossibles, soulignées de néons bleu glacier, rose vif ou vert acide. De plus près, l’impression est la même : c’est un décor de carton-pâte, c’est Las Vegas, c’est un cirque. C’est Carnival City, composée d’un casino, d’une salle polyvalente et d’un cinéma. Le soir, ce complexe produit dans le lointain un bel effet, passablement singulier cependant au milieu des déchets miniers, des camps de squatters éparpillés çà et là, des townships aux bicoques alignées... Parc d’attractions en négatif. Le casino fut construit en 1991, après l’abrogation du Reservation of Separate Amenities Act : tout individu, de quelque couleur qu’il soit, pouvait dès lors y pénétrer. Lorsque je l’ai rencontrée, Sandra n’y avait jamais mis les pieds, ses voisins pas davantage. Les résidents du township aimaient le regarder briller à l’horizon en rêvant de décrocher un jour le jackpot devant les machines à sous. »

Un autre :
« “Est-ce que vous êtes en train de me dire, m’a-t-il lancé, que je vais devoir utiliser le même lavabo qu’un Noir ? Que je vais devoir boire dans une tasse dont un Noir se sera servi avant moi ?”
Je lui ai demandé :
“Attendez un peu : qui nettoie le lavabo chez vous ?”
Il m’a répondu :
“La bonne.
— Et qui lave votre verre ?
— La bonne.
— Elle est noire ?
— Évidemment.
— Si je comprends bien, un Noir a le droit de toucher votre verre pour le laver sans que vous y trouviez à redire, il a également le droit de nettoyer votre lavabo avec ses mains noires, mais il ne peut pas se les laver au même endroit que vous ?”
Il s’est levé en brandissant les poings. Il était tout rouge. J’ai bien cru qu’il allait me frapper. Sur ce, il m’a tourné le dos puis il est sorti.
Il est revenu plus tard pour me présenter ses excuses.
Il m’a dit :
“Vous m’obligez à réfléchir, et ça ne me plaît pas du tout !” »

Aucun commentaire: