« Mais un homme maigre, aux yeux vifs, et dont les oreilles appesanties d’anneaux traînent sur les épaules, prend le parler tout seul. Il dit connaître les signes.
“D’où viens-tu, toi ?
— Ma terre est nommée : Nombril-du-monde. Et moi, Tumahéké. Ma terre nage au milieu de la très grande mer toute ronde et déserte — ainsi qu’un nombril, ornement d’un ventre large et poli. On l’appelle aussi Vaïhu [autre nom de l'île de Pâques].
“Le sol est dur, poudroyant de poussière rouge et noire, desséché, caverneux. Seulement une petite herbe courte le revêt. Les rivières manquent. L’île a soif. Mais ses habitants sont ingénieux plus que tous les hommes de même couleur de peau. — Les arbres sont rares. Il fait froid. Les faré, on les bâtit avec de la boue et des pierres, et si bas, qu’on n’y entre qu’en rampant. On y brûle des herbes. Il fait froid.”
(...)
Tumahéké vante sa terre : “Nous avons de très grands Tiki, taillés dans la roche des montagnes. Ils regardent les eaux, toujours, avec des yeux plats et larges, sous un front en colère : la mer a peur et n’ose pas monter trop haut, sur la rive.
“Quant aux signes, on les tatoue, avec une pierre courante, sur des bois polis et plats qu’on nomme ensuite Bois-intelligents. Lorsque la tablette est incrustée comme une peau de chef, alors l’homme habile y trace son Rua, qui est sa marque à lui-même.
“Et l’on peut, longtemps après, reconnaître un à un les signes — comme un homme reconnaît ses fétii — par leurs noms. On dit alors : les Bois parlent.
— Ha ! crie Paofaï avec une joie, j’irai dans ton île ! Je vais avec toi ! Où est ta pirogue ?” »
(Victor Segalen, Les Immémoriaux)
“D’où viens-tu, toi ?
— Ma terre est nommée : Nombril-du-monde. Et moi, Tumahéké. Ma terre nage au milieu de la très grande mer toute ronde et déserte — ainsi qu’un nombril, ornement d’un ventre large et poli. On l’appelle aussi Vaïhu [autre nom de l'île de Pâques].
“Le sol est dur, poudroyant de poussière rouge et noire, desséché, caverneux. Seulement une petite herbe courte le revêt. Les rivières manquent. L’île a soif. Mais ses habitants sont ingénieux plus que tous les hommes de même couleur de peau. — Les arbres sont rares. Il fait froid. Les faré, on les bâtit avec de la boue et des pierres, et si bas, qu’on n’y entre qu’en rampant. On y brûle des herbes. Il fait froid.”
(...)
Tumahéké vante sa terre : “Nous avons de très grands Tiki, taillés dans la roche des montagnes. Ils regardent les eaux, toujours, avec des yeux plats et larges, sous un front en colère : la mer a peur et n’ose pas monter trop haut, sur la rive.
“Quant aux signes, on les tatoue, avec une pierre courante, sur des bois polis et plats qu’on nomme ensuite Bois-intelligents. Lorsque la tablette est incrustée comme une peau de chef, alors l’homme habile y trace son Rua, qui est sa marque à lui-même.
“Et l’on peut, longtemps après, reconnaître un à un les signes — comme un homme reconnaît ses fétii — par leurs noms. On dit alors : les Bois parlent.
— Ha ! crie Paofaï avec une joie, j’irai dans ton île ! Je vais avec toi ! Où est ta pirogue ?” »
(Victor Segalen, Les Immémoriaux)
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