dimanche 1 juin 2008

« et après le naître la grande nuit »


« ... Mesrine il lui fallait toujours la grosse part du butin de vivre, la grosse part du gâteau, pas la petite part, comme petite participation, tandis que chez les Français c’est ça qui va pas, c’est l’esprit Coubertin, l’esprit courbé et crétin des Français moyens, car l’important pour eux c’est de participer à leur vie, d’avoir leur petite part du gâteau, le gâteau tout sec et rikiki de la vie de tout un chacun, le tout-un-chacun le bon gros gâteau miam, miam bouffer miam, personne dit ça, personne dit miam bouffer moi, miam bouffer mon moi, le gros bout de moi par le petit soi dedans, car dedans il y a soi comme un ver, un petit ver qui creuse ses nombreuses galeries, un petit soi déjà sous terre, dans ses galeries, déjà comme enterré en moi, moi disait Mesrine moi, Mesrine moi qui ne suis pas troué du petit ver de soi, le petit ver rabouloté dedans, mais moi Mesrine le ver c’est moi, c’est moi les nombreuses galeries creusées en vous, c’est la culture de l’homme Mesrine, ma part totale donc, je veux ma part totale et c’est moi, moi totalement moi disait Mesrine, c’est pas ma petite part de soi, le petit soi comme une pauvre socquette, un petit socle pour sauter, petite sauterie, petite gâterie la vie, avant d’en finir une bonne fois, une bonne louchée, et la dernière pelletée, comme une bonne bouffe après être, bien se la mettre en bouche, son petit quartier, son mini carré, sa tranche de vie donc moi, pour ma part, disait Mesrine : j’étouffe, et pas seulement pour moi il disait, j’étouffe aussi pour les autres, pour le tout-un-chacun de l’autre, pour sa petite part à l’exercice du vivant, j’étouffe pour tous ceux qui étouffent mais qui croient pas que ça étouffe, et ça étouffe, ça étouffe quelque part, un étouffement généralisé quelque part, quelque part on a généralisé l’étouffement, quelque part l’étouffement général et personne n’a conscience de ce quelque part en lui qui réalise l’étouffement de tout le monde, quelque part en lui l’étouffement de tout un chacun qui produit lentement son œuvre, comme une longue digestion, et après : dodo. »
(Charles Pennequin, pas de tombeau pour mesrine, al dante, 2008, p. 22-23)

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