lundi 8 décembre 2008

Thiais (01)


[Depuis peu j’ai rejoint le Collectif Les Morts de la Rue, entre autres accompagnant au cimetière de Thiais les défunts isolés que la Mairie de Paris enterre dans le Jardin de la Fraternité (jadis carré des indigents, qui pour les soins dont il fait aujourd’hui l’objet méritait qu’on le rebaptise).
À chaque inhumation nous sommes deux.
Avant de déposer une fleur sur la tombe (un cyclamen aujourd’hui), l’un ou l’autre lit un texte au bord de la fosse.
Je laisserai ici les miens, manière de prolonger l’hommage et d’inviter à connaître mieux le beau travail du Collectif.]

« Vous êtes né, Jean-Yves T., le 17 avril 1970 à N.
Vous aviez, monsieur, deux ans de moins que moi.
Pourtant je me tiens debout ce matin au pied de votre tombe.
Pourtant nous sommes tous deux jeunes encore, nous l’étions.
Vous l’étiez.
Depuis l’Est ou le Nord, tous deux nous venions de province et le monde, nous l’avons appris en même temps.
Pourtant vous êtes mort où je vis, dans le 18e arrondissement de la capitale.
Pourtant ce matin vous êtes seul, quand à votre place j’aurais une mère pour me pleurer, des amis chers.
Quel sort, monsieur, fait aux hommes des sorts si divers, si injustement variés ?
Le geste que j’accomplis ce matin en vous accompagnant peut sembler dérisoire au regard de ces sorts injustes et des fortunes accablantes.
Soyez assuré pourtant que par ce geste nous saurons garder présent votre souvenir, et vivace la colère.
Nous n’oublierons pas.
Adieu, monsieur. »

2 commentaires:

juliette mézenc a dit…

peu d'hommes (isolés ou pas) ont droit au moment de leur mort à des mots si justes et si vibrants. Merci pour lui, pour nous.

Anonyme a dit…

un grand merci pour le dernier hommage que vous rendez à ces personnes. mon père est SDF, et j'espère de tout coeur qu'il aura la chance d'être ainsi honoré avant son dernier voyage. cynthia